2015-11-20

UN FONDS POUR LES ÉCOLES

Julie, 16 ans, meurt d’un arrêt cardio-respiratoire, alors qu’elle suit un cours d’éducation physique, à la Polyvalente qu’elle fréquente. Il n’y avait aucun appareil dans l’école pour la sauver.

Marie-Hélène, une amie de Julie, décide d’agir. Avec d’autres amies, elle établit une Fondation pour munir les écoles d’éducation physique d’un DEA (défibrillateur externe automatisé). Sauver une vie, ne serait-ce qu’une vie ce serait déjà bien.

Les amies nomment la Fondation du nom de Julie. Grâce à plusieurs activités qui riment avec ‘berce-o-thon’, elles réussissent à recueillir la somme de 15 000 $.  À court terme, les jeunes filles souhaitent équiper trois écoles. À long terme, elles voudraient que toutes les écoles soient munies d’un DEA et qu’une formation simple soit donnée  aux étudiants, pour bien manipuler ce genre d’instrument.

Selon la Fondation des maladies du cœur, l’utilisation d’un DEA, en association avec la réanimation cardiorespiratoire, augmenterait de 75% ou plus les chances de survie à un arrêt cardiaque.

Marie-Hélène et ses amies ont compris que ‘’ça devrait être une priorité d’en avoir dans les écoles, où il y a tellement de gens,  les DEA ont fait leurs preuves’’.

Bravo pour cette bonne idée de sauver des vies dans les écoles!

(Journal Métro, novembre 2015, extraits)

2015-11-07

INVISIBLES AU MILIEU DE LA FOULE



MICHÈLE OUIMET    LA PRESSE

Mercredi, il faisait beau, le temps était doux. Un été des Indiens tardif. Plantée au coin de Sainte-Catherine et McGill College, j’essayais de vendre la revue L’Itinéraire. De l’autre côté de la rue, Marie-Andrée, une vraie camelot, faisait la même chose.

« Bonjour, voulez-vous acheter L’Itinéraire ? »

J’ai répété cette phrase un million de fois entre 11h 45 et 13 h. Les gens étaient polis. Parfois, ils me disaient non merci. J’ai même eu droit à quelques sourires. Mais la plupart m’ignoraient et passaient leur chemin comme si j’étais invisible. Un seul a été grossier, un homme tiré à quatre épingles, veston, cravate, cheveux grisonnants. « Je ne suis pas un itinérant ! »
Le ton était bête, hargneux. Je m’attendais à de l’indifférence, mais pas à de la muflerie. J’ai failli lui répondre : « Un petit crachat avec ça, peut-être ? »

De l’autre côté de la rue, Marie-Andrée gardait le moral. Elle est habituée, elle vend L’Itinéraire depuis deux ans. Menue, vêtue de noir, elle tenait une pile de revues. Pas de pitch de vente, juste un sourire. En 1 heure 15, elle a vendu quatre exemplaires, pour un total de 12 $. Elle a gardé la moitié des gains, soit 6 $.

« Si au bout d’une heure, je n’ai rien vendu, ça commence à m’affecter, m’a-t-elle dit. Les gens pensent que je suis une itinérante parce que je vends la revue. Ils me demandent : “Pourquoi tu te trouves pas une job ?” C’est insultant. Je me cherche pas une job parce que j’en ai une ! Je vends la revue et j’écris dedans. Les gens ne me comprennent pas. Des fois, je me sens comme une extraterrestre. »

Nous n’étions pas les seules à vendre la revue, ce midi-là.L’Itinéraire avait organisé une journée « Camelot d’un jour ». Une quinzaine de personnalités étaient jumelées à un camelot : l’écrivaine Monique Proulx, la chanteuse Martine St-Clair, l’animateur et humoriste Dany Turcotte, la journaliste Johane Despins… Des gens qui croient à L’Itinéraire et qui sont prêts à donner de leur temps pour soutenir la cause.

Car L’Itinéraire n’est pas qu’un magazine, c’est aussi une cause. Il permet à des sans-abri et à des gens fragiles de sortir la tête de l’eau en vendant la revue. Certains écrivent, comme Marie-Andrée. Je vous ai déjà raconté son histoire.

Elle souffre d’anxiété chronique. Elle a frôlé le gouffre : dépression profonde, cassure, « le genre qui ne se répare jamais », m’avait-elle expliqué. Elle a découvert L’Itinéraire et sa faune par hasard. C’est sa famille depuis deux ans. Elle a 32 ans.En juin, elle a suivi un stage à La Presse avec trois autres camelots, stage que j’ai dirigé avec ma collègue Katia Gagnon. 

Marie-Andrée m’a demandé de l’accompagner mercredi. La pauvre, je n’ai vendu que 12 exemplaires, alors que Johane Despins en a vendu 80 et Dany Turcotte 70.Avant de nous lancer dans la rue avec notre pile de revues, nous nous étions réunis au local de L’Itinéraire situé au coin de Sainte-Catherine et de De Lorimier. L’animateur Marc-André Coallier, porte-parole de l’événement, nous avait avertis : « On va vivre l’expérience de vendre la revue à du monde qui veulent rien savoir et qui nous regardent même pas. »
Tout le monde a ri. N’empêche, il avait drôlement raison. C’est troublant de se sentir invisible au milieu d’une foule.
***
L’Itinéraire a été créé en 1994. La revue a traversé des crises. L’année dernière, une nouvelle équipe a entrepris un virage audacieux : placer le camelot au cœur du magazine. Le 1er octobre 2014, les camelots signaient 13 % des articles. Aujourd’hui, ils en écrivent la moitié.

C’est une tâche colossale de diriger des camelots-journalistes qui vivent souvent des moments difficiles : toxicomanie, problèmes de santé mentale, instabilité…

Un nouveau défi va bientôt s’ajouter à tous les autres : l’arrivée d’un concurrent.
Le 1er décembre, un autre journal de rue fera son apparition à Montréal, un tabloïd de 24 pages dirigé par un ancien de L’Itinéraire, Réal Noël.

Le nom du dernier-né : La Presse alternative. Le premier numéro sera tiré à 4000 exemplaires et comprendra des entrevues avec le comédien Pierre Curzi, le chanteur Mononc’ Serge, le député Amir Khadir et l’acteur Mario Saint-Amand. Le journal sera publié une fois par mois. L’Itinéraire, lui, est bimensuel. Prix de vente : 3 $. Comme L’Itinéraire. La moitié des articles seront écrits par des camelots. Réal Noël a pigé dans la talle de L’Itinéraire en recrutant certaines de ses plumes. Le reste des articles seront signés par des journalistes étudiants et des experts. Le journal tournera autour la « quête de sens », a précisé Réal Noël.

Quête ou non, l’arrivée d’un concurrent risque de déstabiliser L’Itinéraire.
« Réal va peut-être se rendre compte que ce n’est pas évident de mener une entreprise comme ça, a dit la rédactrice en chef Josée Panet-Raymond. L’Itinéraire a failli couler l’année dernière. On travaille fort. Mais la concurrence, c’est pas mauvais. » Deux acteurs, un marché étroit. La lutte s’annonce féroce.

L’ITINÉRAIRE
Existe depuis 1994
Tirage : 15 000 exemplaires
Parution : Deux fois par mois
Nombre de camelots : 150
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2015-11-02

TÉMOIGNAGE DE DENISE BOMBARDIER

J’ai vécu en début de semaine une plongée dans le monde des religieuses. J’étais la seule femme laïque invitée à adresser la parole à plus de 300 religieuses toutes communautés confondues dans le cadre d’un colloque sur leur avenir qui se déroulait à Québec.

Pour mémoire, ces sœurs, aujourd’hui âgées, sont celles qui nous ont éduqués, qui nous ont appris à respecter notre langue et à écrire sans faute. Elles ont créé nos hôpitaux et ont soigné les malades. Certaines se sont battues avec passion pour que les filles accèdent aux études supérieures.

Aujourd’hui, même dans leur grand âge, elles s’occupent des démunis et consacrent le reste de leur vie aux itinérants, aux grands malades, aux mourants, aux femmes violentées.

Respect de l’autre

Deux jours passés avec elles et l’on retrouve la sérénité, le calme, la discipline et une politesse qui ne sont que l’expression extérieure du respect de l’autre. Je les observais. Sages, pendant les exposés, elles prenaient des notes avec leur écriture appliquée qu’elles ont transmise durant des générations aux enfants du Québec.

Pourquoi sont-elles si spontanément ouvertes au dialogue même lorsqu’on ne partage pas leurs points de vue? Un grand nombre d’entre elles s’affichent comme d’ardentes féministes et leur langue est bien moins convenue que celle de la plupart des prêtres qui se sont adressés à elles durant le colloque.
Les sœurs n’ignorent pas que leur avenir est derrière elles. Que leur engagement d’une «vie consacrée» ne trouve aucun écho dans la société d’aujourd’hui. À part quelques films qui ont voulu leur rendre justice, dont La passion d’Augustine de la cinéaste Léa Pool qui a écrit le scénario en collaboration avec Marie Vien, peu de Québécois happés par la turbulence de la décléricalisation des années 60 et 70 leur ont exprimé leur gratitude.     (Également Les Discrètes, de Hélène Choquette)

Or, ces religieuses dont la vie fut dédiée à Dieu, mais aussi à nous, les Québécois, sont les dernières témoins de notre histoire religieuse qui fut aussi sociale et culturelle.

Des femmes fortes

Combien de Québécois, croyants ou non, se remettent en question comme les religieuses rencontrées cette semaine? J’ai croisé des femmes fortes qui ont dirigé leurs communautés avec une efficacité administrative que devraient leur envier beaucoup de gestionnaires d’aujourd’hui.

Combien de gens de 70 à plus de 80 ans consentent à s’occuper des démunis, à écouter de jeunes drogués, des femmes agressées avec compassion et une absence de jugement moral?
Nous assistons désormais dans l’indifférence à la mort des communautés religieuses et avec elles à la fin d’un cycle de notre histoire.

Vivant désormais en petits groupes, les sœurs plus actives peuvent encore apporter une contribution à ce Québec en désarroi, en quête de sens, d’identité et de fraternité.
Les sœurs semblent plus sereines que nous. La bonne humeur qu’elles dégagent n’est certainement pas étrangère au fait qu’elles partagent un esprit communautaire en contradiction avec l’individualisme qui triomphe désormais dans la société et qui nous éloigne les uns des autres.
Et si les sœurs incarnaient le meilleur de ce que nous avons été et que nous n’avons su transmettre à nos enfants les rendant orphelins de quelques valeurs humanistes sans lesquelles la vie en société est une jungle?

Denise Bombardier